« ENTREPRENEUR », UN EFFET DE MODE
Depuis quelques années, au niveau international, le concept ‘’entreprenariat’’ est souvent mentionné dans les questions de lutte contre la pauvreté et le chômage de masse. Il se développe partout dans le monde des écosystèmes entrepreneurials où tout est fait pour fournir : infrastructures, réseaux, formations et financements.
La ville de Kinshasa, et avec elle la République Démocratique du Congo dans son ensemble, n’est pas en marge de cet élan entrepreneurial mondial. Il s’y développe, quoique timidement, des compétitions de startups, des espaces de coworking et quelques incubateurs.
Corrélativement, l’on observe une recrudescence du nombre de personnes qui se revendiquent ‘’entrepreneurs’’. Il semble effectivement qu’être “Chief Executive Officer” (‘’CEO’’ en sigle) ou encore ‘’Entrepreneur’’ soit devenu un effet de mode à bien des égards : la recherche de titres honorifiques prendrait la place de celle de la recherche de valeur pour le client. Mais ça, c’est une autre histoire.
TROUVER LA BONNE PROPOSITION DE VALEUR
Par ailleurs entreprendre dans le contexte congolais peut prendre des allures de parcours du combattant. L’accès au financement notamment est un problème réel pour les entrepreneurs. A titre illustratif, les banques ne financent pas les projets ou les jeunes entreprises en RD Congo. Elles n’ont d’ailleurs pas de produits financiers adaptés aux différentes typologies de flux de trésorerie des startups.
Pourtant, le problème de financement est de loin secondaire à celui de trouver la bonne ‘’proposition de valeur’’ pour ses clients. En effet, il ne suffit pas simplement d’importer les modèles économiques d’entreprises occidentales pour espérer satisfaire les besoins de nos populations locales. Se limiter à copier simplement le concept d’une application à succès occidentale n’en fera pas forcément un succès en Afrique. Quand on réalise que, malgré le succès de la société Uber, elle ne survit que grâce aux perfusions annuelles de milliards de dollars de capitaux supplémentaires par ses investisseurs, peut-on se contenter de mimer leur concept ? Avons-nous seulement les mêmes profils d’investisseurs capables d’attendre une rentabilité dans 5 ou 10 ans ? La réponse est évidemment non.
Il apparaît par conséquent que nous, entrepreneurs africains en général et congolais en particulier, devons réfléchir autrement. Il nous faut plutôt chercher en permanence à adapter ces modèles à la qualité de nos infrastructures, à la disponibilité des ressources financières locales ainsi qu’aux comportements de consommation de nos populations.
Rappelons qu’un entrepreneur est avant tout quelqu’un qui conçoit un produit/service répondant au besoin d’une catégorie de la société. Il propose une solution à un besoin mal (ou non) satisfait. Et lorsque cette solution est nouvelle, on parle même d’innovation.
C’est dans cette logique que nos entrepreneurs doivent se reposer fondamentalement sur les moyens locaux disponibles malgré nos conditions souvent précaires. L’Afrique n’est pas aussi démuni financièrement qu’il y paraît. Nous devons user d’ingéniosité financière pour optimiser nos ressources disponibles : s’efforcer de faire plus avec moins.
LE PROBLÈME DE FINANCEMENT EST SURÉVALUÉ
Si nous pouvons mettre nos ressources financières en commun pour le loisir ou construire des Églises alors nous pourrons certainement en faire de même pour des investissements productifs destinés à financer des startups africaines. Nous avons largement les moyens de nous substituer à certains fonds de capital-risque. En cela, le financement participatif est une alternative crédible. En effet, à défaut d’être tous entrepreneurs, on peut tous être investisseurs.
Aussi, en harmonie avec ce paradigme de co-création de richesse, relever le défi du financement de nos entrepreneurs passe-t-il notamment par l’amélioration de ces deux principaux leviers : d’une part, l’identification des besoins réels de financements des porteurs de projet/ou jeunes entreprises, et de l’autre, la promotion du financement participatif comme alternative viable aux différents mécanismes de financements traditionnels.
Le premier levier nous pousse à mettre fin à la pullulation de ce fantasme malsain qui consiste à penser que pour lancer son entreprise, il faut forcément un gros capital. Apprenons à nos entrepreneurs à ne jamais mépriser les faibles commencements. Montrons-leur qu’il est possible d’établir un plan de décaissement réaliste et y adjoindre ensuite une stratégie de financement adaptée. C’est vital.
De même, le second levier nous induit à favoriser la prolifération de systèmes de financement participatif, avec ou sans contrepartie directe. Il ne s’agit pas forcément de crowdfunding mais de toute démarche qui tend à associer des membres de sa communauté dans le financement de son entreprise. A titre illustratif, la « love money », un financement par les membres de sa famille et de ses amis, est un excellent palliatif aux ‘’Business Angels’’ qui manquent cruellement dans nos pays africains.
Ces systèmes participatifs peuvent avoir un caractère permanent en étant centralisés sur des plateformes en ligne (site, groupe Facebook ou WhatsApp, etc.) par exemple. Ils peuvent aussi être ponctuels à l’instar des conférences spontanées réunissant des micros investisseurs pour présenter des opportunités d’investissement dans des entreprises ou projets.
Pour lever 10 000 USD, il suffit donc de convaincre 100 personnes de vous remettre 100$ ou en convaincre 1000 de vous en donner 10 ou encore en convaincre 5000 de vous en donner 2. A l’air des réseaux sociaux, des comptes Facebook avec plus de 500 contacts, êtes-vous capable de convaincre vos contacts d’investir dans votre projet ? Si la réponse est non, alors comment seriez-vous capable de convaincre des inconnus ?