PRÉLUDE
La majeure partie des partenaires avec qui j’ai eu un entretien de plus de 45 minutes, vous dirons que j’insiste souvent sur deux choses fondamentales à mes yeux.
La première c’est que je crois fermement qu’en RD Congo, il y a des opportunités de business dans tous les secteurs à condition de se former à les trouver. Le pouvoir d’achat est loin d’être nul et le pays importe l’essentiel de ces produits de premières nécessités c.-à-d. qu’il y a de facto des clients capables d’acheter.
La deuxième c’est que je crois également que le problème de financement peut être déjoué par de la créativité et du pragmatisme allié à du bon sens. Il convient d’abord d’identifier soigneusement son besoin de financement, ensuite le découper en phase et seulement enfin chercher des mécanismes de financement adéquats. En effet, la love money et le recours à des investisseurs privés de petite taille fonctionnent parfaitement, même en RD Congo, à condition d’en appliquer rigoureusement les principes.
L’ANECDOTE
Pour en revenir au sujet de cet article, c’est l’histoire d’une consultation avec un de mes clients. Il est venu me voir pour m’informer qu’il souhaitait investir 5000$ dans une petite voiture de marque Toyota appelée communément « ketch ». Comme des centaines d’autres propriétaires, il souhaitait l’utiliser comme taxi dans les rues de Kinshasa.
Contextualisons brièvement pour ceux qui ne sont pas de Kinshasa. En général, les taxis suivent leurs propres itinéraires et vous montez si celui-ci coïncide avec le vôtre. Il y a quatre places. Un trajet classique varie de 500 à 1500 FC (0,31$ à 0.92$) pour un passager. Le chauffeur est tenu d’effectuer un versement quotidien à son patron d’environ 30 000 FC (18,52$) pour en moyenne 28 jours de travail.
Mon client a pris le temps de faire ses calculs pour déterminer que l’activité génèrerait un revenu mensuel net de 300$, soit un délai de récupération du capital de 17 mois. Il avait besoin de mes conseils.
Voici trois des conseils que je lui ai prodigués. Je rappelle que ça n’engage que moi.
1. Fixez-vous des objectifs et leur pourquoi
« Quand on ne sait pas où l’on va, on ne peut pas se perdre »
Ça a l’air évident écrit comme ça, mais je rencontre très peu d’individus qui savent dire exactement ce qu’ils visent dans 10 ans, 5 ans ou 2 ans. Il est important de définir concrètement ses objectifs pour réaliser des évaluations et rectifier le tir le cas échéant. Mais il est encore plus crucial de trouver une raison (une mission) viscérale pour laquelle on souhaite atteindre ces objectifs. Cette raison doit vous transcender suffisamment pour que dans les mauvais moments vous puissiez tenir bon.
Vous êtes un salarié de 32 ans avec une femme et deux enfants. Quel est votre objectif à court, moyen et long terme ? Quelle est la raison qui sous-tend votre objectif ?
Exemple :
Je souhaite constituer une cagnotte de 100 000 USD dans 4 ans pour soutenir les études universitaires de mon neveu. La raison c’est que je le considère comme mon fils, je l’aime fort et je voudrais lui donner plus d’opportunités que j’en ai eu par le passé.
2. Investir essentiellement dans la passion
La réalité c’est que l’argent facile n’existe pas. Peu importe le degré de préparation qu’on puisse avoir, la planification de l’imprévisible est impossible. Il arrivera donc forcément un moment où vous ferez face à des difficultés que seule votre passion vous donnera la force, la créativité et la patience de surmonter.
Et si la voiture se faisait voler par le chauffeur ou un tiers ? Et si le chauffeur renversait quelqu’un ? Et si la voiture subissait un accident grave qui le déclassait ?
Sous d’autres cieux, les sociétés d’assurance offrent des services qui prennent ce genre de risque en charge. A Kinshasa, nous n’avons que la Société Nationale d’assurance. Aux dernières nouvelles des agents de cette société manifestaient pour réclamer 50 mois d’arriérés de salaires…
Investir dans la passion est donc essentiel. Si vous n’êtes pas passionné par cette activité alors associez-vous à quelqu’un qui l’est et faites-en un partenaire. J’insiste UN PARTENAIRE et pas juste un employé.
3. Étudier l’investissement et ses alternatives
« Tous les chemins mènent à Rome, mais certains sont plus escarpés que d’autres ». CJ Mukoka
Une opportunité d’investissement s’évalue toujours en fonction (au moins) d’une autre. Il s’agit d’avoir le coût d’opportunité le plus faible possible pour un rapport rentabilité-risque donné. Un peu technique, je sais.
En plus clair, ça veut dire que vous devez/pouvez :
- Soit étudier les alternatives de business model pour le même investissement
Plutôt qu’engager un chauffeur qui rapporte 18$ par jour tout en restant propriétaire du véhicule (avec tous ses corollaires de risques), vous pouvez le vendre à crédit au chauffeur qui peut alors vous rapporter un peu plus sur une période convenue. C’est une pratique qui se répand de plus en plus à Kinshasa.
Vous pouvez aussi choisir de faire de la location de véhicule pour une clientèle plutôt haut de gamme. Le véhicule s’amortit alors moins vite mais cela nécessite de construire une base de données de clients pour générer un revenu stable.
- Soit étudier les alternatives dans le même secteur
Une moto coûte entre 900$-1200$ selon la marque. Il rapporte environ 14 000FC (8.6$) par jour pour 28 jours de travail. Cinq motos coûtent donc 4500$ et génèrent un revenu de 43$ quotidien. Vous l’aurez compris, c’est deux fois plus de gain pour un investissement quasi identique.
Et toutes choses restant égales par ailleurs, la probabilité de perdre (panne, accident, vol) toutes les cinq motos en même temps est plus faible que celle de perdre une voiture seule. La gestion de risque est de fait supposée moins ardue.
- Soit étudier les alternatives dans un secteur complètement différent
Je suis personnellement tenté par la restauration, la distribution avec un réseau de boutiques de proximité, l’immobilier et tout autre business qui pourrait me rapporter un cash-flow régulier et stable mensuel.
A vous de trouver vos secteurs alternatifs.
CONCLUSION
Évidemment qu’il y a des tas d’autres choses à prendre en compte avant d’investir à Kinshasa ou ailleurs. Le format de mes articles ne me permet pas de m’étendre longtemps sur le sujet. Mais je pense que les trois conseils combinés offrent un socle solide qui aide à rationaliser sa décision d’investissement.
Par ailleurs, un autre moyen de mitiger le risque, c’est d’investir avec les autres. Il ne s’agit pas de prendre n’importe qui mais de trouver des personnes intègres qui ont des objectifs similaires aux vôtres. Si vous pouvez supporter un délai de récupération de votre capital de 2 ans, et que lui non, vous aurez assurément un problème.
Ça m’a pris du temps pour le réaliser mais n’oubliez pas que : « Quoique personne ne peut réussir seul, l’on a pas besoin de tout le monde pour réussir »
Je nous souhaite de fructueux investissements pour l’année 2019.