Il ressort souvent lors de mes entretiens avec d’autres entrepreneurs congolais, que nous faisons face à plusieurs maux dans ce pays parmi lesquels ces deux pointés comme majeurs : l’accès au financement et le faible pouvoir d’achat de la population.
En ce qui concerne les difficultés de financement, mon précédent article visait à montrer que c’est un réel problème, certes, mais surévalué et surtout largement secondaire à celui de trouver la bonne proposition de valeur pour nos populations (nos clients).
LE POUVOIR D’ACHAT
Le faible pouvoir d’achat est un argument qui sert souvent à justifier le manque de vente par les entrepreneurs locaux ou parfois le manque d’attractivité du pays pour les investisseurs étrangers. La population n’aurait pas les moyens de payer nos produits et services, « nos innovations ». C’est peut-être d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le gros des investissements est concentré sur les mines dont la production est immédiatement exportée. Mais ça, c’est une autre histoire.
La R.D Congo figure dans le top 20 des pays les plus pauvres au monde avec de piètres infrastructures en général (routières, électriques, informatiques, etc.). Le PIB annuel par habitant est de moins de 467$ et selon les statistiques les plus récentes (PNUD, 2016) 80% de la population vivrait avec moins de 2$ par jour. Soyons réalistes, force est d’admettre de ce fait que le pouvoir d’achat est évidemment faible.
Pourtant, en modifiant notre angle d’observation, ces mêmes statistiques nous indiquent par exemple que 20% de la population vit avec plus de 2$ par jour. A elle seule, cette frange représente un potentiel chiffre d’affaire global d’au moins 32 millions de dollars américains quotidien soit 11,7 milliards de dollars annuel. Et, on parle bien d’un minimum car ils vivent avec au moins 2$ par jour. C’est donc aussi un fait : malgré la pauvreté ambiante, il y a une frange qui possède un fort pouvoir d’achat.
On en revient par conséquent encore à la bonne proposition de valeur pour la clientèle cible. En effet, de toute les façons les deux franges de la population consomment. Il s’agit pour nous entrepreneurs de déterminer notre cible, ses besoins et la proposition idoine à lui adresser.
Avant de penser à des innovations complètement disruptives , il faudrait d’abord, à mon humble avis, que quelques-uns se penchent également sur des améliorations à apporter sur les produits et services existants.
On est par exemple tous d’accord que le numérique c’est le futur. Cependant dans mon village d’origine, où il n’y a pas d’électricité ni de routes goudronnées, ce n’est certainement pas une application de covoiturage dont ils ont besoin. Je caricature un peu bien sûr.
La recherche de la « scalabilité » ne doit pas nous détourner des besoins réels de nos cibles. Une solution numérique dont la valeur perçue (par les utilisateurs potentiels) est faible et qui au final coûte plus cher que la solution classique en vigueur ne peut qu’avoir moins de succès.
« Ce qui compte ce n’est pas l’application web que tu veux créer mais plutôt l’adéquation du système qui la sous-tend avec le besoin réel de ta clientèle cible me disait un vieil ami. »
Voici deux brèves illustrations d’opportunités à Kinshasa et au Congo.
LES GRILLADES NOCTURNES KINOISES
Certains vous diront que si vous êtes passé à Kinshasa et que vous n’avez pas gouté aux grillades nocturnes de chèvres ou de poulets, vous avez raté votre séjour. On parle d’un secteur vieux de plusieurs décennies et en pleine essor actuellement dont l’une des seules innovations majeures a été d’ajouter de la mayonnaise aux grillades lors des cuissons.
Notre récente étude de ce secteur à Kinshasa a montré que celui-ci pèse plus de 10 millions de dollars américains de chiffre annuel dont plus de 80% constitués des grillades de poulet. Aucun des acteurs interrogés, pourtant considérés comme majeurs, ne possèdent 10% de l’ensemble du marché kinois.
La barrière à l’entrée est faible, il existe de nombreux leviers de différenciation possibles à l’instar : du menu, de l’hygiène, du délai d’attente et du système de distribution. Ce qui en fait une belle opportunité d’affaire.
LA CAMPAGNE ÉLECTORALE CONGOLAISE DE DÉCEMBRE 2018
Plus de 15 000 candidats députés nationaux (pour 500 sièges) ont chacun versé 1000$ de caution à la Commission électorale. Imaginons un instant, sous une approche pessimiste, que le budget moyen de campagne équivaut au moins à celui de la caution susmentionnée. Les candidats dépenseraient en moyenne 15 millions de dollars potentiel pour leur campagne notamment en : affiches, présence sur Facebook, meeting et autres.
L’électorat est composé à plus de 60% de personnes de moins de 35 ans. Corrélativement nous avons chaque année des milliers de diplômés en marketing & communication. A bien des égards, ces candidats sont des clients potentiels pour des :
- Community managers ;
- Conseillers en image ;
- Imprimeries ;
- Experts en story telling ;
- Agences événementielles, etc.
Quand on sait qu’une campagne peut se préparer jusqu’à cinq ans en avance, j’espère que quelques-uns ont pu tirer profit de cette opportunité saisonnière.
CONCLUSION
De même que pour l’Afrique, les ressources minières sont loin d’être les seuls atouts de la République Démocratique Congo. Malgré la pauvreté apparente, la société congolaise consomme véritablement. Il y a des opportunités dans tous les secteurs à condition de bien les chercher.
Et cette quête doit être focalisé sur le client : Qui est votre cible ? Quel est son besoin ? Quelle est la solution actuelle utilisée ? En quoi votre solution est la meilleure ? etc.
Autant de questions qu’il convient de se poser avant de lancer son entreprise ou d’investir, encore plus dans un contexte aussi tortueux que celui de la RD Congo.